Licenciement avec effet immédiat pour violation de l’obligation d’informer en cas d’absence pour cause de maladie

29. April 2025

Licenciement avec effet immédiat pour violation de l’obligation d’informer en cas d’absence pour cause de maladie

Il n'est en général pas possible d’établir d’emblée qu’un manquement reproché à un employé atteint le degré de gravité requis pour constituer un juste motif permettant un licenciement immédiat ; en effet, cela va souvent dépendre de l’ensemble des circonstances concrètes qui entourent le cas d’espèce.

Obligation d'information du travailleur, en particulier en cas d'absences pour cause de maladie

Conformément à l'article 321a CO, le travailleur a un devoir de fidélité envers son employeur. Ce devoir comprend, entre autres, le devoir d'information. L’employé est donc tenu d'informer l'employeur de toutes les circonstances pertinentes qui pourraient affecter sa capacité de travailler ou sa productivité. Cela s'applique en particulier lorsque le salarié sait qu'il se trouvera dans une situation qui pourrait compromettre ses performances professionnelles ou les intérêts de l'employeur. C'est par exemple le cas lorsque le salarié est empêché de travailler pour cause de maladie. Dans ce cas, le salarié doit immédiatement informer l'employeur du degré et de la durée prévisible de l’incapacité de travail. Il doit le faire régulièrement en cas d’absences prolongées. En outre, le salarié doit prouver, sur la base des règles générales de la preuve (art. 8 du Code civil), qu'il est empêché de travailler sans faute de sa part. Cela se fait généralement en présentant un certificat médical.

ATF 4A_486/2024 du 15 janvier 2025

Faits

L'arrêt ATF 4A_486/2024 relate le cas d’un employé engagé en tant que brasseur en chef pour la production de bière se trouvant dans sa deuxième année de service. Le mercredi 27 octobre 2021, l'employeur a résilié le contrat de travail de son collaborateur dans le respect du délai de préavis ordinaire. La résiliation avait pour motif l’absence de changement de comportement de l’employé malgré plusieurs discussions à cet égard, rendant l’ambiance au sein de l’équipe tendue.

Immédiatement après la résiliation ordinaire du contrat de travail l'employeur a dispensé l'employé de travailler durant les deux jours qui suivirent, soit du jeudi 28 octobre 2021 au vendredi 29 octobre 2021 inclus. Le lundi 1er novembre 2021, l'employé s'est rendu au travail et y a vidé son casier. Ce même jour, il a quitté son poste plus tôt, ne se sentant pas en forme. Le lendemain, il a informé son employeur de sa maladie et a indiqué qu’il ne pourrait pas venir travailler. Ce n'est que le vendredi 5 novembre 2021 qu'il a annoncé qu'il ne pourrait pas voir de médecin avant le lundi suivant au plus tôt.

Le lundi suivant en question, soit le 8 novembre 2021, l'employeur a demandé à l'employé par courriel de se présenter le lendemain sur son lieu de travail et de présenter un certificat médical justifiant son absence. Le même jour, l'employé a indiqué qu’étant toujours malade, il ne pourrait pas se présenter et qu'un certificat médical serait transmis. L'employeur a alors demandé à l'employé d'expliquer la raison de son absence avant 8 heures le lendemain matin et d’indiquer quand il pourrait reprendre son travail. Dans le même courriel, il a également indiqué à l'employé qu'il devait contribuer à ce que la fin des rapports de travail se passe bien en respectant notamment ses obligations contractuelles. Enfin, l’employeur a encore précisé qu’il s’agissait là d’un ultime avertissement et que faute d’un retour du travailleur ou d’une justification médicale de son absence dans le délai imparti, il prendrait d’autres mesures, soit la suspension du paiement du salaire pour les jours d'absence non justifiés et la prononciation d’un licenciement avec effet immédiat.     

Dans le délai imparti, soit le mercredi 10 novembre 2021, l'employé fournit un certificat médical daté du 8 novembre 2021 attestant de son incapacité de travail du lundi au jeudi (soit du 8 au 11 novembre 2021). Il convient de noter que l'employé était déjà en possession dudit certificat médical depuis trois jours et qu’il ne l’a transmis que tardivement à son employeur sans raison apparente. L'employeur a alors demandé au travailleur s’il serait à nouveau en mesure de travailler dès le vendredi suivant, soit le 12 novembre 2021. L'employé a alors répondu qu'il devait retourner chez son médecin ce même vendredi et qu'il aurait plus d'informations par la suite.

L’employé ne s'est pas présenté à son travail du vendredi 12 novembre au lundi 15 novembre 2021. Le lundi en question, peu avant minuit, l'employeur résilie le contrat de travail de l'employé avec effet immédiat.

Le salarié a ouvert action devant les tribunaux et a réclamé une indemnité pour licenciement immédiat injustifié.

Décision du Tribunal fédéral

Dans son arrêt, le Tribunal fédéral s'est référé à l'obligation d'informer l'employeur telle que décrite ci-dessus et a souligné que cette obligation s'appliquait tout particulièrement aux absences pour cause de maladie ou d'accident. Sur cette base, les employés sont tenus de contacter immédiatement leur employeur dès que leur état de santé le leur permet et d’informer celui-ci sur la durée et de l'étendue prévues de leur incapacité de travail. Si la situation médicale évolue, le travailleur doit en informer immédiatement son employeur. Cela vaut en particulier pour les salariés qui occupent une fonction centrale dans l'entreprise. En effet, ce n'est que s'il est informé à temps que l'employeur peut prendre les mesures organisationnelles appropriées pour minimiser les dommages causés à son entreprise, à ses fournisseurs, à ses clients, etc. par l'absence du travailleur concerné.

Dans le cas présent, il est important de noter que le salarié licencié avec effet immédiat était l'un des deux brasseurs permanents. Compte tenu de ce faible effectif, l'employeur disposait d'une marge de manœuvre réduite pour répartir les tâches de l'employé malade. En outre, l'employeur devait faire face à une charge de travail accrue pendant la période concernée en raison de l'approche des fêtes de Noël. Il avait donc un intérêt légitime à savoir le plus rapidement possible quand l'employé pourrait reprendre le travail.

Selon l’état de fait susmentionné, l'employé a manqué à son obligation d'informer à deux reprises : tout d'abord, il n'a pas immédiatement transmis le certificat médical délivré le 8 novembre 2021 à son employeur, mais a simplement informé ce dernier qu'il ne pourrait pas se rendre au travail le lendemain et a laissé entendre qu'il fournirait un certificat médical sans donner de plus amples informations sur son état de santé. Ce faisant, l'employé a laissé l'employeur dans l'ignorance sur son état de santé sans raison apparente, ce qui compliqua de manière injustifiée la planification du travail. Par la suite, l'employé a manqué à ses obligations contractuelles une deuxième fois lorsqu'il a annoncé un rendez-vous chez le médecin le vendredi 12 novembre 2021 et qu'il n'a ensuite plus donné de nouvelles à son employeur pendant quatre jours, soit jusqu'au lundi 15 novembre 2021 inclus.

Le salarié n'a pas non plus pu démontrer qu'il n'avait pas été en mesure de contacter son employeur après le rendez-vous chez le médecin du vendredi 12 novembre 2021 en raison de sa maladie ou pour d'autres raisons.

Sur la base de ce qui précède, le Tribunal fédéral a déclaré que l'employé avait enfreint à plusieurs reprises son obligation d'informer rapidement, continuellement et complètement son employeur sur son état de santé et ce malgré un avertissement. Partant, il a confirmé que ce comportement constituait un motif grave justifiant un licenciement avec effet immédiat conformément à l'article 337 CO.

Commentaire et recommandation pour les employeurs

Par cette décision, le Tribunal fédéral a souligné l'importance du devoir d'information des employés. En vertu de leur devoir de fidélité, les employés doivent préserver les intérêts légitimes de l'employeur et doivent donc faire tout ce qui est en leur pouvoir pour remplir cette obligation. Ils sont ainsi tenus d'informer rapidement, continuellement et complètement leur employeur sur leur incapacité de travail pendant toute la durée de celle-ci. Ce devoir d’information est d’autant plus important lorsque le travailleur exerce une fonction centrale dans l'entreprise. La remise tardive de certificats médicaux et une communication insuffisante sur la durée de l'incapacité de travail peuvent constituer un juste motif pour un licenciement avec effet immédiat.

Même si le Tribunal fédéral n'en fait pas mention dans l’arrêt susmentionné, il convient toutefois de rappeler que la jurisprudence impose des exigences encore plus strictes pour retenir un juste motif de licenciement avec effet immédiat lorsque le contrat de travail a déjà été résilié. Cela s'explique par le fait que la fin de la relation de travail est déjà prévisible en raison du licenciement déjà intervenu. Il s’agit donc d’une circonstance dont il faut tenir compte avant de décider si un licenciement avec effet immédiat est envisageable ou non.

Nous recommandons aux employeurs de faire figurer dans le contrat de travail que les certificats médicaux doivent être remis sans délai et que, en cas de retard, des sanctions pouvant aller jusqu'au licenciement avec effet immédiat pourront être prononcées. Si, malgré cette disposition, un employé ne remet pas son certificat médical dans les délais impartis, il convient de lui adresser un avertissement écrit précisant qu’en cas de récidive, ce manquement sera considéré comme un juste motif et qu’un licenciement avec effet immédiat sera prononcé à son encontre. En cas de nouvelle violation de l'obligation d'information dans un délai rapproché, un licenciement avec effet immédiat pourrait en principe être justifié.

Enfin, nous tenons à souligner que la question de savoir si un licenciement avec effet immédiat est justifié ou non doit toujours être examinée au cas par cas, en tenant compte de l’ensemble des circonstances entourant le cas en question. Aussi, nous ne pouvons qu’encourager les employeurs à nous solliciter à chaque fois qu’il est question d’un licenciement avec effet immédiat pour que nous puissions apporter notre expertise au regard de l’ensemble de la jurisprudence en la matière. 

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