Le for en droit du travail

Lun, 6 juin 2022

Le for en droit du travail

La question de savoir devant quel tribunal un travailleur doit ouvrir action contre son employeur est parfois difficile à résoudre.


En vertu de l'art. 34 al. 1 du Code de procédure civile (CPC), les actions relevant du droit du travail peuvent être portées devant le tribunal du domicile ou du siège du défendeur, ou devant le tribunal du lieu où le travailleur exerce habituellement son activité professionnelle.


Le Tribunal fédéral (TF) s’est penché sur un litige né entre un représentant de commerce, domicilié en Valais, et son employeur, une entreprise dont le siège se situe dans le canton de Zurich. Dite entreprise n’a aucune succursale en Valais. De manière résumée, l’activité du représentant consistait essentiellement en déplacements auprès de la clientèle dans le canton du Valais; s’agissant des tâches administratives, estimées entre dix et vingt pour cent de son temps de travail, il les accomplissait à son domicile valaisan. La justice valaisanne de première instance s’était déclarée incompétente à raison du lieu.


L’analyse de l’art. 34 al. 1 CPC permet de conclure que le for en matière de droit du travail peut aussi se trouver dans un lieu où l'employeur n'a aucune sorte d'établissement ni installation fixe. Pour le TF, cette disposition, qui constitue une réplique de l'art. 19 par. 2 litt. a du règlement de l'Union européenne n° 44/2001 concernant la compétence judiciaire, peut donc s’interpréter en prenant en considération les critères déterminants en matière de compétence judiciaire en droit civil et commercial international. Il s’est ainsi basé sur la jurisprudence topique de la Cour de justice de l'Union européenne.

 

Le lieu prépondérant

Ainsi, le TF a retenu que le lieu de l'activité habituelle du travailleur est celui où se situe effectivement le centre de l'activité concernée. Un lieu d'activité purement éphémère et temporaire ne suffit pas à créer un for judiciaire. La durée absolue de l'occupation du travailleur à l'endroit envisagé ne joue aucun rôle; la durée relative, comparée à la durée globale des rapports de travail et de l'occupation dans d'autres lieux, est en revanche importante. Lorsque le travailleur est occupé simultanément dans plusieurs endroits, le lieu «principal» est déterminant. De manière générale, lorsque le travailleur est occupé simultanément dans plusieurs lieux, celui d'entre eux qui se révèle manifestement central, du point de vue de l'activité fournie, détermine le for à l'exclusion des autres. Mais, dans la mesure où il ne saurait exister simultanément plusieurs fors du lieu de l'activité habituelle, si aucun des lieux en concours n'est prééminent, il n'existe aucun for du lieu de l'activité habituelle.

 

Le domicile du travailleur

S’agissant plus précisément de la situation spécifique des voyageurs de commerce et des autres travailleurs affectés au service extérieur d'une entreprise, si leur activité ne comporte aucun point de rattachement géographique prépondérant, ces travailleurs n'ont donc pas accès à un for du lieu de l'activité habituelle. Le TF souligne toutefois une exception: un rattachement prépondérant, propre à fonder la compétence du for correspondant, est admis au lieu où le travailleur affecté au service extérieur planifie et organise ses déplacements, et accomplit ses tâches administratives; souvent, ce lieu coïncide avec son domicile personnel.


Le TF précise que le for du lieu habituel de l'activité convenue répond à un but de protection du travailleur; c'est pourquoi celui-ci ne peut pas y renoncer valablement par une convention antérieure à la naissance du différend. Pour lui, il ne conviendrait pas de retenir que, parce que l'activité administrative d'un travailleur du service extérieur est globalement secondaire du point de vue quantitatif, ce travailleur ne puisse pas agir en justice là où il pratique régulièrement cette activité, avec ce résultat qu'il ne puisse agir qu'au siège de l'employeur, alors que son travail n'a aucun lien effectif avec ce lieu-ci. En l’espèce, rien ne justifiait donc que le représentant soit contraint d'ouvrir action dans le canton de Zurich, ou de renoncer à l'action, alors que son activité se pratiquait exclusivement en Valais.


Il est à noter que lorsque le travailleur n'est plus occupé, en particulier après la fin des rapports de travail, un for subsiste au lieu où l'activité convenue était habituellement pratiquée.

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