L'Abandon de poste

L'Abandon de poste

Lorsqu'un collaborateur s'absente de manière injustifiée de son travail, il n'est pas rare que l'employeur le licencie avec effet immédiat pour abandon de poste. Pourtant, d’un point de vue juridique, il est contradictoire de licencier un travailleur ayant démissionné. En effet, il y a mélange de deux actes juridiques différents : d'une part, le licenciement avec effet immédiat pour justes motifs par l'employeur selon l'article 337 CO et d'autre part, l'abandon de poste sans justes motifs selon l'article 337d CO, c'est-à-dire la démission immédiate injustifiée par le collaborateur.

Nous abordons ci-après la deuxième notion, soit l’abandon de poste et expliquons comment doit réagir l’employeur lorsqu'un collaborateur s'absente sans donner de nouvelles.

Refus conscient, intentionnel et définitif de travailler

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêt 4C.339/2006 ; ATF 121 V 277), l'abandon de poste au sens de l'art. 337d CO suppose que le collaborateur refuse consciemment, intentionnellement et définitivement de continuer à fournir sa prestation de travail. En l'absence d'une déclaration claire du collaborateur, il convient de déterminer si, compte tenu de l'ensemble des circonstances, l'employeur peut partir du principe que le collaborateur souhaite définitivement quitter son poste.

La charge de la preuve de l'abandon de poste incombe à l'employeur. Le Tribunal fédéral se montre strict en la matière. Si la situation laisse des doutes quant à l'existence d'un refus conscient, intentionnel et définitif de travailler, le collaborateur doit être mis en demeure de reprendre son travail ou de justifier son absence. Concrètement, l'employeur doit exiger du collaborateur, en lui adressant un courrier de mise en demeure, qu'il reprenne immédiatement le travail ou qu’il justifie son absence par un certificat médical. L’employeur peut également lui fixer un délai très court pour ce faire, à savoir 24 heures après la réception du courrier de mise en demeure. A défaut, il pourra constater, après un certain délai, l’abandon de poste, soit la résiliation immédiate par le collaborateur des rapports de travail.

Si le collaborateur réagit à la mise en demeure, c'est-à-dire s'il reprend le travail ou s'il présente un certificat médical, l'employeur ne peut plus considérer qu’il y a abandon de poste. Selon les circonstances et la gravité des manquements du collaborateur, l'employeur dispose des possibilités suivantes : avertissement écrit avec menace de licenciement immédiat en cas de récidive, licenciement ordinaire, pour autant que le collaborateur ne soit pas protégé par un délai de protection au sens de l'art. 336c CO, ou licenciement immédiat, qui est toutefois rarement jugé justifié sans avertissement préalable écrit.

Durée de l'absence

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, si l'absence injustifiée du collaborateur est de courte durée, par exemple quelques jours directement après la fin de ses vacances, l'employeur ne peut pas déduire des circonstances que le collaborateur a définitivement quitté son poste. A l'inverse, une absence de plusieurs mois doit être considérée comme un refus de poursuivre la collaboration (ATF 121 V 277). Ce même si le collaborateur offre à nouveau ses services de manière inattendue. Dans ce cas, la seule durée de l'absence suffit à prouver que le collaborateur avait la volonté de quitter définitivement son poste.

Maladie présumée

Si le collaborateur invoque des problèmes de santé pour justifier son absence, l’employeur ne peut pas, même si le collaborateur ne fournit pas immédiatement un certificat médical, en déduire qu'il a abandonné son poste. Selon le Tribunal fédéral, il doit plutôt envisager la possibilité que le collaborateur a simplement omis de remplir son obligation de fournir un certificat médical ou qu'il n'a pas été en mesure de le faire. Ce n'est qu'après avoir été invité à remettre le certificat médical ou à reprendre le travail, ou en raison d'autres circonstances qui s'ajoutent à la simple absence, qu'il serait justifié de conclure à un abandon de poste.

Si le collaborateur présente un certificat médical, mais que l’employeur parvient à prouver que, contrairement à ce qui est indiqué dans ce certificat, le collaborateur aurait effectivement pu accomplir tout ou partie de son travail, les éléments constitutifs de l'art. 337d CO ne sont pas remplis de ce seul fait. Le Tribunal fédéral (arrêt 4A_140/2009) exige en outre qu'il puisse être prouvé que le collaborateur était conscient de sa capacité de travail. Dans la mesure où cette preuve n'est pas apportée, le fait de ne pas se rendre au travail en se référant au certificat médical ne peut en aucun cas être qualifié d'abandon de poste. Si le collaborateur croit que le certificat est exact, une éventuelle erreur est imputable au médecin. Il n'y a donc pas lieu de procéder à un licenciement immédiat.

Conséquences de l'application de l'art. 337d CO

Le fait d’abandonner définitivement son emploi met fin à la relation de travail en fait et en droit. Une résiliation par l'employeur n'est donc plus nécessaire. Un licenciement avec effet immédiat par l'employeur serait non seulement inutile (on ne peut pas résilier un contrat qui a déjà été résilié de manière immédiate), mais aussi inopportune, car elle laisserait subsister une ambiguïté qui pourrait se retourner contre l'employeur lorsqu'il s'agit de répondre à la question de savoir quelle partie a mis fin à la relation de travail.

Si le collaborateur a abandonné son poste sans juste motif, l'employeur a droit à une indemnité équivalente à un quart de son salaire mensuel. Par salaire mensuel, on entend un douzième du salaire annuel brut. Les éventuelles prestations volontaires ne sont en revanche pas comprises. Il s'agit d'une indemnité forfaitaire, ce qui signifie que l'employeur peut la requérir sans avoir à apporter la preuve d’un éventuel dommage. Si le collaborateur peut prouver que l'employeur n'a subi aucun dommage ou un dommage moindre, le juge peut réduire l'indemnité selon son appréciation. Si l'employeur veut faire valoir un préjudice plus important, il doit prouver l'intégralité du dommage.

Si l'indemnité ne peut pas être compensée par des créances que l’employeur aurait envers le collaborateur, l'employeur n'a que 30 jours à compter de l'abandon de poste pour exercer son droit par voie d’action en justice ou de poursuite.

Important pour l'employeur dans la pratique

Souvent, en cas d'absences injustifiées d'un collaborateur, il y a des doutes sur le fait que le collaborateur refuse consciemment, intentionnellement et définitivement de continuer à fournir sa prestation de travail. L'employeur doit clarifier la situation en demandant par écrit (pour des questions de preuve, on conseille le courrier A+ ou la lettre recommandée) au collaborateur de reprendre immédiatement le travail ou de fournir un certificat médical, et en indiquant que, dans le cas contraire, il s'agira d’une résiliation immédiate injustifiée de la part du collaborateur.

Sur le portail clients, vous trouverez sous "Services: Modèles et calculateurs" deux modèles de lettres que vous pouvez utiliser pour la mise en demeure et le constat de l'abandon définitif de l'emploi.

Réservé aux abonnés Conseil et Conseil 360° Abonnez-vous

Choisir une catégorie:

Chargement…