L’accès aux données du collaborateur

Ven, 28 octobre 2022

L’accès aux données du collaborateur

Il est parfois tentant de vouloir accéder aux données d’un collaborateur pour prouver un fait. Mais gare aux données recueillies illicitement: elles seront écartées du dossier et l’employeur sera sanctionné.


Dans un récent arrêt (CAPH/163/2020) traitant notamment du licenciement avec effet immédiat, la Cour de justice du canton de Genève a examiné, sous l’angle de la valeur probante, l’accès aux données d’un collaborateur.


En résumé, un employeur s’est séparé sans délai d’un collaborateur pour comportement déplacé et harcèlement sexuel. Pour prouver son bon droit, il a ouvert une enquête interne et a notamment accédé à la boîte courriel du travailleur ainsi qu’au contenu privé de son téléphone professionnel.


Le contrat de travail prévoyait que le téléphone devait être exclusivement utilisé à des fins professionnelles, l’employeur s’étant de surcroît réservé le droit d’y effectuer des contrôles. Concernant la messagerie professionnelle, en revanche, il n’était pas expressément interdit de l’utiliser aussi à des fins privées.


Selon l’article 152 al.2 du Code de procédure civile, il n’est possible de prendre en considération des moyens de preuve obtenus illicitement que si l’intérêt à la manifestation de la vérité est prépondérant. En l’espèce, l’accès aux messages privés de la messagerie professionnelle constituait une atteinte à la personnalité du travailleur et était donc illicite. En outre, lors du licenciement, l’employeur avait offert la possibilité au travailleur d’effacer les données de son téléphone, admettant ainsi l’emploi privé de ce dernier, même si le contrat prévoyait le contraire.


Finalement, la pesée des intérêts entre, d’une part, la protection de la sphère privée et intime du travailleur et, d’autre part, la découverte de la vérité dans un litige soumis à la maxime des débats, alors qu’il existait d’autres moyens moins invasifs de prouver les faits, ne permettait pas l’accès aux messages privés.


L’employeur s’est ainsi vu condamné à payer un montant de CHF 5’000.– à titre de dommages et intérêts et les moyens de preuve recueillis illicitement ont été écartés du dossier. Cela étant, il a eu gain de cause sur le licenciement avec effet immédiat, puisque les faits ont pu être prouvés par témoignage.


Patrick Mock, octobre 2022

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