Le contrat de durée minimale

Le Tribunal fédéral (TF) a eu l’occasion de se pencher sur une résiliation intervenue dans le cadre d’un contrat de durée minimale, contrat auquel s’appliquent certaines notions typiques du contrat de durée déterminée.


En l’espèce, le contrat avait débuté le 1er décembre 2013 et avait été conclu pour une durée minimale d’une année, à l’issue d’une période d’essai de deux mois, puis renouvelable d’année en année. En d’autres termes, une fois le temps d’essai terminé, le contrat avait été conclu pour une année, soit jusqu’au 31 janvier 2015. En mai 2014, un différend est apparu entre les parties et l’employeur a signifié au travailleur que le contrat de travail prendrait fin le 30 juin 2014, en le libérant de l’obligation de travailler. Le travailleur s’est aussitôt opposé à cette décision en prétendant que le contrat ne pouvait pas être résilié avant le 31 janvier 2015 et a offert ses services au-delà du 1er juillet 2014. L’employeur n’a pas souhaité qu’il se représente à son poste. Le 29 juillet 2014, l’employeur est revenu sur sa position en reconnaissant, d’une part, que le contrat de travail ne devait pas prendre fin avant le 31 janvier 2015 et, d’autre part, en invitant le travailleur à reprendre son poste dès le lendemain. Le travailleur a refusé de reprendre le travail.


Un congé immédiat?

Le TF a commencé par préciser que, pendant la durée minimale convenue, un contrat de travail déploie les effets propres au contrat de durée déterminée, en ce sens qu’il ne peut pas être mis fin aux rapports de travail par un congé ordinaire pour un terme antérieur à celui de l’échéance de la durée minimale fixée conventionnellement. Pour l’employeur, la seule possibilité de mettre unilatéralement un terme au contrat de travail durant cette période est la résiliation immédiate du contrat de travail pour justes motifs au sens de l’art. 337 du Code des obligations (CO). Justifiée ou non, une telle résiliation met fin au contrat le jour même où elle est communiquée.


Qu’elle soit ordinaire ou immédiate, la résiliation consiste en l’exercice d’un droit formateur et, à ce titre, elle revêt en principe un caractère irrévocable. Des exceptions sont possibles et la partie qui a résilié le contrat peut revenir sur sa déclaration si le cocontractant est d’accord avec cette révocation ou s’il conteste lui-même la validité de la résiliation et manifeste par voie de conséquence sa volonté de maintenir le contrat. Pour le TF, la résiliation litigieuse, intervenue pendant la durée minimale du contrat, doit être traitée comme un congé immédiat au sens de l’art. 337 CO, même si l’employeur a en l’occurrence respecté un délai de congé. De son côté, le travailleur s’est opposé à son licenciement et a offert ses services; en agissant ainsi, le travailleur a donc souhaité la poursuite des rapports de travail et donné à l’employeur l’occasion de revenir sur sa décision. Cela étant, l’employeur n’a pas révoqué son acte formateur: au contraire, il a confirmé la résiliation du contrat et libéré le travailleur de son obligation de travailler. Les rapports de travail ont donc pris fin le 30 juin 2014.


Une offre de conclure

Certes, le 29 juillet 2014, l’employeur a reconnu que le contrat de travail ne devait pas prendre fin avant le 31 janvier 2015 et demandé au travailleur de se présenter à son poste. A cet égard, le TF a estimé qu’il ne pouvait pas s’agir d’une révocation de la résiliation, puisque les rapports de travail avaient déjà pris fin. L’acte de l’employeur pouvait en revanche être compris comme une offre de conclure un nouveau contrat de travail, mais rien n’a permis de déduire que le travailleur l'aurait acceptée, bien au contraire.


Ainsi, les prétentions pécuniaires du travailleur ont été examinées sous l’angle de l’art 337c CO applicable en cas de résiliation immédiate injustifiée car, à l’évidence, les justes motifs faisaient défaut. Le travailleur a donc eu droit à des dommages-intérêts, représentant le montant du salaire entre le 1er juillet 2014 et le 31 janvier 2015, sous déduction de quelques revenus obtenus dans le cadre d’une autre activité durant cette période, et à une faible indemnité supplémentaire, représentant un mois de salaire. (ATF 4A_395/2018 = SJ 2020 I 337 et la jurisprudence citée)


Jean-Marc Beyeler, octobre 2020

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