Les nouveautés 2023 en droit du travail et en assurances sociales

Jeu, 23 mars 2023

Les nouveautés 2023 en droit du travail et en assurances sociales

Sans vouloir prétendre à l’exhaustivité, nous vous proposons, pour rappel, les principales nouveautés 2023 en matière de droit du travail et des assurances sociales. Un accent particulier est mis sur les aspects pratiques de ces nouveautés et sur leurs impacts concrets pour les employeurs.


a)   Droit du travail


Le congé d’adoption


Le congé d’adoption est entré en vigueur le 1er janvier 2023. Dans le code des obligations, les bases légales sont les suivantes (CO) : l’article 329j CO, qui institue le congé d’adoption, et l’article 329b al.3 let. e CO relatif à la réduction du droit aux vacances ; dans la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain (LAPG), les bases légales applicables sont les articles 16t (ayants droits), 16u (délai-cadre, début et extinction du droit), 16v (forme de l’allocation et nombre d’indemnités journalières), 16w (montant et calcul de l’indemnité), et 16x (rapport avec les règlementations cantonales) LAPG.

En application de l'art. 329j CO, le travailleur qui accueille un enfant en vue de son adoption a droit à un congé d’adoption de deux semaines (soit 10 jours pour un collaborateur engagé à 100% et dont la semaine de travail est de 5 jours), pour autant cependant qu’il remplisse les conditions d'octroi de l'allocation d'adoption (condition absolument indispensable). Le parent devra faire valoir son droit au congé dans le délai d’une année qui commence à courir le jour de l’accueil de l’enfant (et non le jour de l’adoption légale).

Au niveau des vacances, le fait de bénéficier d’un congé d’adoption ne permet pas la réduction du droit aux vacances (art. 329b al.3 let. e CO). Autrement dit, l’employeur ne peut pas réduire les vacances au motif que le travailleur a été absent dans le cadre d'un congé d'adoption.

Ont droit à l'allocation d'adoption (art. 16t al. 1LAPG) les personnes qui, cumulativement :

  • accueillent un enfant de moins de 4 ans en vue de son adoption;
  • ont été assurées obligatoirement à l’AVS durant les neuf mois précédant l’accueil (les périodes d’activité et d’assurance accomplies dans un Etat de l’UE ou de l’AELE sont prises en compte) ;
  • ont, au cours de cette période, exercé une activité lucrative durant cinq mois au moins (sont prises en compte les périodes d’activité lucrative accomplies dans les Etats de l’UE et de l’AELE, de même que les périodes où ont été perçues des indemnités journalières de l'assurance-chômage, de l'assurance-invalidité, du régime des allocations pour perte de gain ou d'une assurance sociale ou privée pour la perte de gain en cas de maladie ou d'accident) ;
  • et qui, à la date de l'accueil, exercent une activité, soit salariée soit indépendante, soit travaillent dans l'entreprise de leur conjoint contre un salaire en espèces (autrement dit, il faut que, le jour de l’accueil de l’enfant, le parent soit sous contrat de travail même si ce dernier a été résilié. Tant que l’échéance n’est pas arrivée au jour de l’accueil, cette condition est réputée remplie).

Si les deux parents ont un emploi, ils peuvent librement répartir les deux semaines entre eux (pour autant qu’ils remplissent chacun toutes les conditions d’octroi). Si plusieurs enfants sont accueillis simultanément, un seul droit est ouvert (art. 16t al. 4 LAPG). En revanche, il n’y a pas de congé d’adoption en cas d’adoption de l’enfant du conjoint (art. 16t al.5 LAPG).

Pour ce qui est de la date du congé, les parties devront s’entendre et s’accorder en veillant à ce que le souhait du collaborateur et les intérêts légitimes de l’employeur soient pris en compte. Partant, un collaborateur ne pourra prendre unilatéralement ce congé et l’employeur ne pourra le refuser que s’il des motifs professionnels sérieux. En cas de désaccord, et en dehors de raisons économico-administratives impérieuses pour l’employeur, il y a cependant lieu d’admettre que le choix appartient au travailleur. Celui-ci veillera cependant à respecter son devoir de fidélité et à ne pas poser son congé, sans motif particulier, à un moment qui est particulièrement défavorable à la bonne marche de l’entreprise. Dans tous les cas, le travailleur devra annoncer, le plus tôt possible, ses absences ou ses souhaits de dates, tout comme le nombre de jours dont il est au bénéfice en cas de partage du congé avec son conjoint.

Le montant de l’indemnité journalière s’élève à 80% du revenu moyen de l’activité lucrative avant le début du droit à l’allocation (n’entrent pas dans le calcul les jours où l’ayant droit n’a touché aucun revenu ou alors un revenu réduit sans faute de sa part notamment parce qu’il est en incapacité de travail, effectue un service obligatoire, ou subit une période de chômage) avec un plafond effectif fixé à CHF 220.- par jour, soit l’équivalent d’un salaire mensuel brut de CHF 8'250.- (CHF 8'250.- – 20 % = CHF 6'600.- à 6'600.- / 30 = CHF 220.- par jour). Il est à noter que si les cantons prévoient des prestations financières plus généreuses, ils ne peuvent en revanche prévoir un congé plus long que les employeurs auraient l’obligation d’accorder. Par ailleurs, l’employeur n’a pas l’obligation de compléter l’indemnité lorsque celle-ci ne couvre effectivement pas le 80% du salaire, à savoir lorsque le collaborateur a un salaire mensuel supérieur à CHF 8'250.-.

Les exemples suivants permettront de mieux comprendre la manière de calculer à la fois les jours de congé et le montant de l’indemnité journalière en fonction du taux d’activité du travailleur :

Exemple 1 : Un travailleur engagé à 100% et occupé 5 jours par semaine bénéficiera de 2 semaines de congé selon son occupation habituelle, soit 10 jours, et percevra 14 indemnités journalières (nombre maximum). A supposer que ce travailleur gagne CHF 6'000.-/mois, il aura droit à 14 indemnités calculées de la manière suivante : CHF 6'000.- – 20% = CHF 4'800.- (car l’indemnité se monte à 80% du salaire) à CHF 4'800.- / 30 = 160.- par jour. Les 14 indemnités donneront droit à un revenu total de CHF 2'240.- (14 x CHF 160.-).

Exemple 2 : Un travailleur engagé à 50% et occupé 5 jours par semaine (tous les matins par exemple) bénéficiera de 2 semaines de congé selon son occupation habituelle, soit 10 jours, et percevra 14 indemnités, calculées en fonction de sa semaine de travail. A supposer que ce travailleur gagne CHF 3'000.-/mois, il aura droit à 14 indemnités calculées de la manière suivante : CHF 3'000.- – 20% = CHF 2'400.- à CHF 2'400.- / 30 = CHF 80.- par jour. Les 14 indemnités donneront droit à un revenu total de CHF 1'120.- (14 x CHF 80.-).

Exemple 3 : Un travailleur engagé à 20% et occupé 2 jours par semaine (par ex. les lundi et jeudi matins) bénéficiera de 2 semaines de congé selon son occupation habituelle, soit 4 jours, et percevra 14 indemnités, calculées en fonction de sa semaine de travail. A supposer que ce travailleur gagne CHF 1'200.-/mois, il aura droit à 14 indemnités calculées de la manière suivante : CHF 1'200.- – 20% = CHF 960.- à CHF 960.- / 30 = CHF 32.- par jour. Les 14 indemnités donneront droit à un revenu total de CHF 448.- (14 x CHF 32.-).

L’allocation d’adoption est versée en une seule fois, après la prise du dernier jour de congé.

Une circulaire sur l’allocation d’adoption (CAAdop) édictée par l’OFAS fournit de plus amples informations : https://sozialversicherungen.admin.ch/fr/d/19213/download


L’obligation d'annoncer les postes vacants 2023


Depuis 2018, il est imposé aux entreprises d’annoncer les places de travail vacantes auprès d’un office régional de placement (ORP) avant toute publication d’une offre d’emploi. Cette obligation d’annonce, qui a pour but de donner la priorité aux demandeurs d’emploi inscrits au chômage (préférence indigène), s’applique aux genres de profession dans lesquels le taux de chômage atteint ou dépasse 5%, calculé sur une moyenne de 12 mois, du 1er octobre au 30 septembre de l’année précédente.

Pour accéder à la liste des genres de professions soumis à l’obligation d’annonce pour 2023, et pour obtenir de plus amples informations, il suffit de se rendre sur : www.arbeit.swiss

L’outil pratique Check-Up (arbeit.swiss) du site permet de vérifier si un poste est concerné par l’obligation d’annonce.


L’ordonnance sur le contrat-type de travail pour les travailleurs de l’économie domestique (CTT économie domestique)


Ce contrat-type de travail fédéral, qui fixe les salaires minimaux pour les travailleurs domestiques employés par les ménages privés (sauf pour ceux qui effectuent moins de 5 heures en moyenne par semaine auprès du même employeur) et qui s’applique dans toute la Suisse à l’exception de Genève, a été modifié comme suit :

L’article 5 al.1 (CTT économie domestique) précise les nouveaux salaires minimums bruts, sans les suppléments pour vacances et jours fériés payés, selon les différentes catégories suivantes : a) l’employé non qualifié : CHF 19.50 de l’heure ; b) l’employé non qualifié avec au moins quatre ans d’expérience professionnelle dans l’économie domestique : CHF 21.40 de l’heure ; c) l’employé qualifié avec CFC : CHF 23.55 de l’heure ; d) l’employé qualifié avec AFP : CHF 21.40 de l’heure.

La validité de ce CTT est prolongée jusqu’au 31 décembre 2025. Pour ce qui est de son champ d’application quant aux personnes et des activités concernées, nous vous renvoyons aux articles 2 et 3 dudit contrat-type (https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2010/724/fr). 


Fiscalité et télétravail : accord franco-suisse


Durand l’ère COVID, la France et la Suisse ont conclu plusieurs accords provisoires en matière d’imposition des télétravailleurs frontaliers afin que la pratique du télétravail n’altère pas le régime fiscal des travailleurs concernés. Autrement dit, que le frontalier habitant en France travaille en Suisse ou soit en télétravail chez lui, on fait, d’un point de vue fiscal, comme s’il avait travaillé toutes ces heures sur sol helvétique.

Depuis le 1er janvier 2023, un accord de principe sur un régime fiscal durable en matière de télétravail a été convenu entre la France et la Suisse (cet accord doit encore être signé et ratifié et par les deux parties pour entrer formellement en vigueur). Celui-ci prévoit en substance que :

  • Jusqu’à 40% du temps de travail peut être effectué sous forme de télétravail sans conséquence fiscale. Dans ce cas, on fait comme si le télétravailleur avait travaillé intégralement sur sol suisse. L’employeur devra être en mesure d’attester le taux de télétravail accordé.
  • Au-delà de 40% de télétravail, l’intégralité de la part télétravaillée en France est imposée en France. Ainsi, si un frontalier effectue 50% de son travail en télétravail, la moitié de son salaire sera imposé en Suisse et l’autre moitié en France. L’employeur devra diminuer la base imposable de la part télétravaillée et toujours attester du taux de télétravail accordé.

Attention : cet accord vise uniquement l’aspect fiscal et non celui concernant l’affiliation aux assurances sociales. Dans ce dernier cas, il faut savoir que les accords provisoires franco-suisse de l’ère COVID sont prolongés jusqu’au 30 juin 2023. Un accord durable, selon la même logique de ce qui se fait en matière fiscale, devrait être conclu pour le 1er juillet 2023. D’ici là, quelle que soit la durée télétravaillée, d’un point de vue des assurances sociales, l’employeur doit faire comme si le télétravailleur travaillait intégralement sur territoire suisse.


b) Assurances sociales


Ajustement des cotisations d’assurance chômage (AC)


Depuis le 1er janvier 2023, le pourcentage de solidarité pour les cotisations à l’AC est supprimé. Concrètement, la cotisation n’est plus due sur la part du salaire dépassant le seuil du salaire annuel de CHF 148'200.-. La cotisation ordinaire, de 2,2%, dont la moitié incombe à l’employeur (1,1%) et l’autre moitié au travailleur (1,1%), continue d’être prélevée jusqu’à ce seuil.

Pour rappel, lors de la révision de la loi sur l’assurance-chômage (LACI) en 2011, les cotisations salariales, qui sont supportées à parts égales par le travailleur et l’employeur, sont passées de 2 à 2.2%. En outre, une cotisation supplémentaire de 1%, dite de solidarité, a été introduite auprès des personnes gagnant plus de CHF 148’200.- (CHF 126'000.- à l’époque). Le but était alors d’assainir les comptes de l’assurance-chômage, principalement financée par les cotisations sociales des salariés et des employeurs, qui connaissaient un déséquilibre financier pour des raisons structurelles. Le droit prévoyait que cette contribution peut être prélevée jusqu’à ce que le capital propre du fonds de compensation de l’AC dépasse le seuil de 2,5 milliards de francs à la fin de l’année. Or, ce cap a été atteint à fin 2022, ce qui a eu comme conséquence de faire automatiquement disparaître la base légale et donc ce pourcent de solidarité.


Allocations pour perte de gain (APG) : nouveaux montants


Depuis le 1er janvier 2023, le montant maximal des indemnités d’allocations pour la perte de gain pour la maternité, la paternité, l’adoption ou la garde d’un enfant gravement atteint dans sa santé est passé à CHF 220.- par jour (préalablement CHF 196.-). Pour rappel, les travailleurs au bénéfice de ces congés ont droit à 80% de leur salaire, mais avec un plafond maximal à CHF 220.-par jour. Cela signifie que les travailleurs percevant un salaire mensuel supérieur à CHF 8'250.- (CHF 8'250.- x 80% / 30 jours = CHF 220/jour) percevront uniquement le montant journalier de CHF 220.- sauf si leur employeur décide, à bien plaire et sans obligation, de combler le solde ou de continuer à verser le salaire à 100%. On rappelle ici que les charges sociales (AVS/AI/APG/AC) sont prélevées sur ces indemnités (sauf les primes de l’assurance accident).

Concernant les APG en faveur des travailleurs effectuant un service, les montants minimaux et maximaux ont également augmentés de la manière suivante :

VOIR LE TABLEAU

*pour les indépendants devant supporter des frais fixes d’une entreprise (locaux, etc.)

Le montant maximal de l’indemnité est lui fixé à CHF 275.- par jour (contre CHF 245.- préalablement). En effet, si en plus de l’allocation de base (dont le montant maximal est fixé à CHF 220.-/jour), une autre allocation (celle pour enfant par exemple) est versée, le cumul de ces deux montants ne doit pas dépasser le revenu obtenu avant le service ou le plafond de CHF 275.- par jour.


Prévoyance professionnelle


Pour ce qui touche à la prévoyance professionnelle obligatoire, le montant annuel de la déduction de coordination est fixé à CHF 25'725.-, le seuil d'entrée se monte à CHF 22'050.- (montant du salaire à partir duquel il existe une obligation à être assuré à une prévoyance professionnelle) et la limite supérieure du salaire annuel à CHF 88'200.-.

Le salaire annuel coordonné minimal se monte à CHF 3'675.-. Partant, si le salaire annuel se situe entre CHF 22'050.- et CHF 29'400.-, le salaire coordonné minimal, à savoir le montant sur lequel on va cotiser de la LPP, se monte toujours à CHF 3'675.- (il s’agit là d’un minimum légal). Le salaire annuel coordonné maximal se monte à CHF 62'475.-. Il s’agit de la différence entre la limite supérieure du salaire annuel de CHF 88'200 et les CHF 25'725.- de déduction de coordination. Pour rappel, afin de coordonner les prestations du 1er pilier avec celles du 2ème pilier, on déduit le montant de CHF 25'725 du salaire LPP obligatoire, c’est ce qu’on appelle la déduction de coordination (CHF 25'725 – CHF 3'675 = CHF 22'050. Les CHF 3'675 représentent le plafond maximal de la rente AVS pour les couples mariés. En effet, la rente maximale AVS pour une personne seule se monte à CHF 2'450.- et la rente maximale AVS pour un couple marié correspond à 150% de la rente maximale AVS d’une personne seule, soit les CHF 3'675.-).

On notera que la déduction fiscale maximale autorisée dans le cadre de la prévoyance individuelle liée (pilier 3a) se monte à CHF 7'056.- pour les personnes étant affiliées à un 2ème pilier et à CHF 35'280.- pour celles qui n'en ont pas (indépendants).


Réforme AVS 2021 et augmentation progressive de l’âge de la retraite des femmes 


La réforme telle qu’acceptée par le peuple le 25 septembre 2022 prévoit notamment que l’âge légal de la retraite des femmes sera identique à celui des hommes, soit 65 ans. Cette réforme, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2024, contient des dispositions transitoires qui relèvent progressivement l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans à partir du 1er janvier 2025 et ce en quatre étapes :

  1. La première étape consiste à augmenter de 3 mois l’âge de la retraite des femmes nées en 1961.
  2. La seconde consiste à augmenter de 6 mois l’âge de la retraite des femmes nées en 1962 (leur âge légal de la retraite sera donc de 64 ans et demi).
  3. La troisième étape consiste à augmenter de 9 mois l’âge de la retraite des femmes nées en 1963
  4. La quatrième et dernière étape, consiste à appliquer dès le 1er janvier 2028 l’âge uniforme de la retraite à 65 ans pour tous.

En outre, les femmes nées entre 1961 à 1969 pourront prendre une retraite anticipée à des conditions préférentielles ou recevoir un supplément de rente AVS si elles décident de travailler jusqu’à l’âge de référence. La réforme permettra également plus de flexibilité : il sera ainsi possible de fixer librement le moment de son départ à la retraite entre 63 et 70 ans.

Un autre impact qu’il s’agira d’anticiper suffisamment à l’avance est l’augmentation des taux de TVA dès le 1er janvier 2024 : le taux normal passera de 7,7% à 8,1%, le taux spécial pour l'hébergement de 3,7% à 3,8% et enfin le taux réduit de 2,5 % à 2,6%.

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