Vacances et libération de l'obligation de travailler

Mer, 14 février 2024

Vacances et libération de l'obligation de travailler

Lorsque l'employeur décide de libérer le salarié de son obligation de travailler pendant le délai de congé, il n'est pas rare qu'il considère que cela compense ipso facto un éventuel solde de vacances non prises. Or, tel n'est pas le cas. Inversement, on entend parfois que l'employeur a l'interdiction d'imposer des vacances, pendant la libération de l'obligation de travailler, au-delà d'une limite qui serait fixée de manière rigide. Cela n'est pas tout à fait exact non plus. 

Les principes généraux en matière de fixation des vacances

En vertu de l'art. 329c al. 2 du Code des obligations (CO) : « L’employeur fixe la date des vacances en tenant compte des désirs du travailleur dans la mesure compatible avec les intérêts de l’entreprise. » Ainsi, c’est bien à l’employeur que revient le droit de fixer le moment des vacances. Il en découle que le salarié ne saurait s’opposer à la prise de vacances à un moment déterminé, et donc pendant une période de libération de l'obligation de travailler, par simple convenance personnelle.

Un autre principe est celui de la prise des vacances en nature, qui est inscrit à l’art. 329d al. 2 CO : « Tant que durent les rapports de travail, les vacances ne peuvent pas être remplacées par des prestations en argent ou d’autres avantages », indépendamment de la partie qui a donné le congé. Cela tient au but des vacances, à savoir le repos. La jurisprudence a rappelé à de nombreuses reprises que l’interdiction de remplacer les vacances par des prestations en argent est une norme impérative, qui s’applique jusqu’à la fin des rapports de travail et non seulement jusqu’à réception de la résiliation. Ce n’est que lorsque la prise en nature n’est plus possible ou qu’on ne peut raisonnablement l’exiger qu’une conversion en espèces est admissible (voir notamment ATF 106 II 152 ; ATF 128 III 271 = JdT 2003 I 606 ; ATF 4C.84/2005).

Or, l'objectif même du délai de congé est susceptible de constituer un obstacle à la prise de vacances en nature, soit de constituer une circonstance dans laquelle on « ne peut raisonnablement l'exiger ». En effet, l'objectif du délai de congé, du moins après la période d'essai, est de laisser aux parties le temps de s’organiser. Du point de vue du travailleur, cela signifie qu'il doit pouvoir se consacrer à la recherche d’un nouvel emploi. Cela découle aussi de l’art. 329 al. 3 CO, qui impose expressément à l’employeur d’accorder au salarié le temps nécessaire à cela, une fois le contrat dénoncé. Cet élément a la priorité sur l’interdiction de remplacer les vacances par des prestations en argent (ATF 128 III 271 = JdT 2003 I 606).

Comme on le voit, la difficulté essentielle de la question des vacances pendant une période de libération de l'obligation de travailler est qu’elle met en concurrence plusieurs règles, qui s’opposent en partie, et dont l’importance respective doit être évaluée.

Ainsi, pour déterminer si l’employeur peut exiger la prise de vacances dans de telles situations, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances. Le rapport entre la durée de la période de libération et le solde de vacances à prendre est souvent déterminant. Cependant, d'autres éléments peuvent entrer en ligne de compte, tels que la difficulté (ou non) à trouver un emploi dans le secteur considéré (ATF 4C.84/2002; ATF 4A_38/2020). Lorsqu'il est admis que le solde de vacances, ou une partie de celui-ci, peut être pris durant la période de libération, la jurisprudence estime que le travailleur doit, en vertu de son obligation de fidélité, y veiller spontanément, même sans instructions expresses de l'employeur (ATF 4A_526/2020).

Quelques jurisprudences

La règle de base qui ressort de la jurisprudence est que la période consacrée à la prise de vacances ne doit pas dépasser « approximativement le tiers ou le quart » de la période de libération (ATF 4A_319/2019 ; ATF 4A_526/2020), mais il peut arriver qu'une part plus élevée soit admise.

Ainsi, par exemple, il a été admis qu'un collaborateur soit tenu de prendre 40 jours de vacances sur une période de libération de 84 jours (correspondant à des jours de travail), soit près de la moitié (47,6%). Les circonstances étaient toutefois particulières. Le travailleur, libéré de juin à septembre 2013, savait depuis le mois d'avril déjà que la succursale dans laquelle il travaillait allait fermer et avait eu à cette même période des contacts avec un potentiel nouvel employeur. La décision d'engagement est intervenue à la fin du mois de juillet. Le travailleur et son nouvel employeur ont eu encore quelques échanges aux mois d'août et de septembre, mais le salarié n'est pas parvenu à démontrer qu'ils avaient, à cette période, des échanges quasiment quotidiens qui auraient fait obstacle à la prise de vacances (ATF 4A_38/2020).

Dans une autre affaire, le collaborateur, licencié le 16 novembre pour le 31 décembre, bénéficiait de 35 jours ouvrables de libération, et disposait d'un solde de vacances de 13 jours (soit 37% de la durée de libération). Le Tribunal fédéral a admis que les vacances soient intégralement prises. En effet, le salarié était un « vendeur expérimenté et dans la force de l'âge », de sorte que 22 jours ouvrables et entiers devaient être considérés comme suffisants pour la recherche d'un emploi.

Conseils pratiques

Il découle de ce qui précède qu'on ne peut poser de règles absolues en la matière. On peut toutefois dégager quelques conseils.

  • Au moment de libérer le collaborateur de son obligation de travailler, il est recommandé de préciser d'emblée le sort des vacances et, idéalement, d'obtenir la signature du travailleur, afin de prévenir les contestations.
  • Lorsque le travailleur n'a pas besoin de chercher un emploi (ex. : nouveau contrat déjà signé ; départ à la retraite), il n'y a pas de limite à la prise de vacances pendant la libération de l'obligation de travailler.
  • Dans les autres cas, il y a lieu, d'une manière générale, de se limiter à un tiers (33,33%) de la période de libération pour la prise de vacances, l'éventuel solde devant être rémunéré.
  • Si l'employeur estime qu'une part plus étendue de la période de libération peut être consacrée à des vacances, il serait opportun qu'il soit en mesure de le documenter. C'est en effet à lui qu'il appartiendra d'en apporter la preuve en cas de contestation. 
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