L’examen médical par un médecin conseil

Lun, 15 décembre 2025

L’examen médical par un médecin conseil

En pratique, le certificat médical revêt une importance essentielle pour démontrer une incapacité de travail pour raisons de santé. Toutefois, même en présence d’un tel document, il peut arriver que l’employeur doute de l’incapacité invoquée et décide, le cas échéant, de faire vérifier cette incapacité. Le moyen le plus efficace pour contester un certificat médical consiste alors à faire examiner le collaborateur par un médecin conseil. Cela soulève notamment les interrogations suivantes : l’employeur peut-il exiger un examen médical en l’absence de clause contractuelle le prévoyant ? Quelles conditions doit remplir le médecin expert désigné ? À qui incombe le coût de cette consultation ? Quelles informations le médecin peut-il légitimement recueillir ? Quelles conséquences entraîne un refus du collaborateur à se rendre auprès du médecin conseil désigné ? Que se passe-t-il si le médecin conseil estime que l’employé est apte ou partiellement apte à effectuer son activité ?

Droit de l’employeur à obtenir les informations nécessaires

Il est essentiel que l’employeur puisse contrôler l’incapacité de travail invoquée par un collaborateur, et ce pour deux raisons. D’une part, en vertu des art. 324a et 324b CO, il demeure tenu de verser le salaire durant une période limitée lorsque le travailleur est empêché d’exercer son activité sans faute de sa part en raison d’une maladie ou d’un accident. D’autre part, l’art. 336c CO instaure des périodes durant lesquelles la résiliation du contrat est frappée de nullité lorsque le travailleur se trouve totalement ou partiellement dans l’incapacité de travailler, toujours sans faute de sa part et pour les mêmes motifs.

Il incombe au collaborateur d’établir la véracité de son incapacité, généralement au moyen d’un certificat médical. Toutefois, même en présence d’un tel document, il peut arriver que l’employeur nourrisse des doutes quant à l’incapacité alléguée. Dans ces situations, il doit pouvoir recourir à un mécanisme permettant de contrôler l’incapacité présumée du collaborateur.

Des éléments concrets permettant de douter de l’incapacité de travail comme condition préalable

La doctrine et la jurisprudence admettent que, sous certaines conditions, l’employeur est en droit de solliciter l’intervention d’un médecin et d’exiger du collaborateur qu’il se soumette à un contrôle médical destiné à vérifier l’incapacité de travail alléguée. Cette obligation de se présenter à un examen découle du devoir de fidélité du collaborateur et ne requiert pas nécessairement de base contractuelle expresse.

Les conditions préalables sont notamment les suivantes : l’existence d’une incapacité de travail pour raisons médicales, la production d’une attestation établissant cette incapacité, la présence d’éléments objectifs permettant d’en douter, ainsi que la proportionnalité de la mesure ordonnée. Les éléments concrets permettant de douter peuvent se regrouper en quatre catégories : des lacunes formelles ou matérielles dans le certificat médical, le comportement du collaborateur, l’attitude du médecin, de même que le moment, la fréquence et la durée de l’arrêt de travail. Les frais liés à l’expertise médicale sont entièrement à la charge de l’employeur.

Refus de l'employé ou résultat contradictoire de l’expertise

Le collaborateur a la possibilité de formuler des objections concernant le médecin conseil. Cela peut concerner la personne même du médecin (par exemple, lorsqu’il est nécessaire de choisir entre un médecin homme et une médecin femme), l’impossibilité de se déplacer ou l’insuffisance d’informations. Toutefois, ces objections ne suppriment pas le droit de l’employeur à faire procéder à un examen médical par un médecin conseil. Lorsque les objections sont fondées, il appartient simplement à l’employeur de veiller à ce qu’elles soient levées.

Si le collaborateur refuse de se soumettre à l’examen dans le délai (court) fixé par l’employeur sans motif valable et persiste à ne pas se présenter au travail, l’employeur peut suspendre le versement du salaire jusqu’à nouvel ordre, en attendant, le cas échéant, une intervention du tribunal. Il en va de même lorsque le médecin conseil conclut que le collaborateur est apte à reprendre son travail.

Violation du secret médical

Dans son arrêt 6B_1199/2016, le Tribunal fédéral a été amené à examiner si un médecin désigné par l’employeur avait violé le secret professionnel prévu à l’article 321 du Code pénal (CP), le bureau du procureur estimant que l’étendue et le niveau de détail de l’évaluation dépassaient largement ce qui est requis dans le cadre d’un certificat de médecin conseil.

Le Tribunal fédéral a d’abord rappelé que le médecin nommé par l’employeur reste soumis au secret professionnel en vertu de l’article 321 CP. Conformément à l’article 328b CO, l’employeur ne peut obtenir du médecin que des informations relatives à l’aptitude du collaborateur à exercer son travail ou nécessaires à l’exécution de celui-ci. Selon le Guide pratique de l’Académie suisse des sciences médicales et de l’Association suisse des médecins, ainsi que le Manuel de la Société suisse des médecins-experts et des médecins d’assurance, le certificat médical établissant une incapacité de travail doit se limiter à indiquer la durée passée de l’incapacité, sa durée prévisible, le degré d’incapacité et la cause de l’incapacité (maladie ou accident).

Le médecin conseil ne peut communiquer d’informations supplémentaires, comme un diagnostic précis, que si le collaborateur l’a expressément dispensé du secret médical. Une telle dispense n’étant pas intervenue dans le cas présent, l’infraction de violation du secret médical a été retenue.

Commentaire

Pour clarifier le recours à un médecin conseil, il est recommandé d'inclure dans le contrat de travail ou dans le règlement d’entreprise une disposition qui prévoit expressément la possibilité de recourir à celui-ci Cette disposition doit également contenir les conditions mentionnées ci-dessus ainsi que les conséquences salariales (à savoir une réduction ou une suppression de salaire) auxquelles s’exposent l’employé qui ne se présenterait pas à la consultation ou dont les conclusions médicales seraient une aptitude partielle ou totale à reprendre immédiatement le travail. Il est également envisageable que l'employé puisse choisir soit de soumettre un rapport médical détaillé (également aux frais de l'employeur), soit de se soumettre à un examen médical auprès d’un médecin conseil.  

Cependant, avant qu'un employé ne soit convoqué pour un examen médical, il est vivement conseillé à l’employeur qui dispose d’une assurance perte de gain maladie de lui faire part de ses doutes quant à l’incapacité de travail de son employé. En effet, il arrive parfois que cette dernière fasse appel à son propre médecin conseil pour examiner l’employé en question. Cela évite souvent à l'employeur d'avoir à recourir à un médecin conseil hors assurance. 

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